Une borne géodésique à Montceau

Pierre gravée au Dôme

Une drôle de pierre à Montceau !

c’est une borne géodésique ! (la géodésie étudie la forme de la Terre et la mesure de ses dimensions).
Une borne géodésique est donc un repère permanent dont l’IGN (Institut Géographique National) connaît très exactement les coordonnées (la longitude, la latitude et l’altitude)

Les points géodésiques sont essentiellement liés aux procédés de triangulation qui permettaient, avant l’avènement des techniques modernes de positionnement par satellite, de déterminer les coordonnées d’un point.

Le réseau géodésique français compte environ 80 000 bornes.

 

Une borne dans un champ

Où est située cette borne géodésique ?…

Au Dôme ! dans un champ,  un peu avant le relais.
Sur une face de la borne est gravée sa date d’implantation : 1821

ecusson IGN
Sachez-le, le fait de déplacer ou de détruire une borne géodésique peut être puni par la loi..

Pourquoi une borne à Montceau ?

En 1807, Napoléon 1er décida la réalisation du premier cadastre général de la France. Pour cela, il fallait des points de repère. Les bornes géodésiques étaient donc situées sur des hauteurs et toujours en vue directe les unes des autres (il en existe une au bois de Cessieu).

Elles indiquaient les points géodésiques, bases matérielles de la triangulation du territoire, permettant ainsi de dresser avec exactitude les cartes terrestres à une époque où les satellites et les images « spot » n’existaient pas encore.

Tour Chappe

Le Dôme, un point haut du village de Montceau, un point historique aussi…

Dans son livret « Montceau dans l’histoire », Georges Vittoz parle de ce point culminant
« Du point culminant du village (511,50 m), on jouit par temps clair d’une vue splendide sur 7 départements : L’Isère, la Loire, le Rhône, l’Ain, la Haute Savoie, la Savoie, les Hautes Alpes. »

Il précise aussi : « A cet endroit, s’élevait à la fin du XVIIIe siècle une tour de télégraphie aérienne de Chappe. Ce télégraphe était composé de grands bras articulés à la main. Ainsi de collines en collines, des messages en morse traversaient toute la France. »

Délibération CM Montceau
Délibération du conseil municipal de Montceau le 5 septembre 1886. Les élus parlent d’un historique télégraphe aérien !
Nous avons retrouvé aux archives communales de Montceau un texte daté de 1886, faisant allusion à un télégraphe aérien qui correspondait avec Lyon en 1821…En effet le texte indique que Dégeorge fait  donation à la commune pour le service du Roy d’une surface de trente six toises carrées aux environs du Signal situé sur le sommet du bois de la Foliouse moyennant la somme de 12 francs.

Ce texte semble donc indiquer la présence d’un « signal » à Montceau. Nous supposons que c’est sur la foi de ce délibéré municipal que Georges Vittoz affirme qu’il y avait au Dôme un télégraphe de Chappe.

Nous avons aussi retrouvé cette donation du 1 er juillet 1821… le mot signal y est bien noté !

Y a t il confusion ? Les élus parlant d’un télégraphe en 1886 ont-ils mal interprété le mot « signal » dans un texte vieux de 65 ans à leur époque ?

Délibération CM Montceau Le signal
Donation du 1er juillet 1821

Aucun autre document ne venant confirmer la présence d’une tour de télégraphie de Chappe à Montceau, nous avons recherché plus d’informations sur ce moyen de communication.

Y a t’il vraiment eu un télégraphe de Chappe au Dôme ?

Lorsqu’on regarde les lignes de télégraphie construites en France entre 1793 et 1852, Montceau ne figure sur aucune liste des stations.
Il y a bien une ligne Lyon Venise qui passe dans notre région.

En 1810, on construit cette ligne sud Paris-Venise par Lyon, Turin et Mantoue (124 postes, 1 200 km, par le col du Mont-Cenis).

Mais les stations sont dans l’ordre :
Lyon St Just
Vénissieux
Saint-Pierre-de-Chandieu
Charantonnay
Châtonnay (poste N°5)
Saint-Didier-de-Bizonne (poste N°6)
Colombe
Saint-Nicolas-de-Macherin…

On le voit, pas de station entre Châtonnay et Bizonne…

En 1844, 534 tours quadrillent le territoire français reliant sur plus de 5 000 km les plus importantes agglomérations.

En 1855, abandon de la dernière ligne du télégraphe aérien.

La grande période d’utilisation du télégraphe de Chappe s’étend de 1810 à 1840 nous verrons plus loin que ce laps de temps à son importance pour Montceau…

Bras télégraphe Chappe

Le système, présenté par Claude Chappe (1763-1805) à la tribune de l’Assemblée législative le 22 mars 1792, est basé sur la transmission de messages visuels entre des stations espacées d’une dizaine de kilomètres et situées sur des points élevés.

Carte France télégraphe Chappe
C’est une autre délibération du Conseil Municipal qui va nous orienter : le 5 septembre 1886, le maire demande que les voisins de l’ancien observatoire placé au sommet du Dôme cessent d’empiéter sur le terrain appartenant à l’état et qu’il ne restera bientôt plus que la pierre indiquant les 4 coins cardinaux placée par les services de l’État Major.

On le voit, le maire ne parle plus d’un télégraphe aérien mais d’un observatoire sur un terrain appartenant  à l’état ! Il déplore aussi que les habitants récupèrent les pierres de construction de cet observatoire.

CM Montceau observatoire
Délibération du conseil municipal de Montceau le 5 septembre 1886

Pourtant, il y avait bien une tour au Dôme de Montceau !

C’est un livre écrit en 1839 par le Colonel Brousseaud du corps royal des ingénieurs géographes : « Mesure d’un arc du parallèle moyen » qui va nous donner la solution du mystère
Nous trouvons ce colonel Brousseaud dans les archives de Montceau. En 1829, il signe un acte accordant à la commune 20 francs pour les dommages causés par les voitures transportant les matériaux servant à la construction de différents signaux ou observatoires…

Ce livre se trouve à la Biblioteca Nazionale Vittorio Emanuele III di NAPOLI
Il a été numérisé (fort mal) par Google !
Vous ne pensiez pas que Montceau était cité jusqu’en Italie !!!

Pour faire simple, entre 1800 et 1830, le gouvernement français décide de réaliser la mesure d’un arc du parallèle moyen qui s’étend des côtes de l’océan, en France, jusqu’à celles de la mer Adriatique, en Italie, pour la confection d’une nouvelle carte de la France et fournir d’importantes connaissances sur la figure de la terre. (en profitant de ces mesures pour déterminer la position du Mont Blanc)

Montceau est désigné comme étant un « signal » idéal pour effectuer les mesures astronomiques nécessaires.

Livre colonel Brousseaud
notes observatoire du signal Montceau
Extrait du livre du colonel Brousseaud.
Observatoire notes
On comprend ici la méprise sur le nom signal. Il est employé ici dans le sens de sommet et non de signal de Chappe !

« L’observatoire de Montceau était érigé sur la borne en pierre de taille fixée en 1822 au centre du signal de Montceau. Cette borne repose sur le point culminant du plateau, dans un bois taillis appartenant à un habitant de la commune et se trouve situé au nord-ouest, à dix minutes de chemin du village ou à 290 pas au sud de la chapelle Notre Dame de Bonne Conduite…

…. L’observatoire de Montceau était composé d’une baraque en planches de 4m en carré sur une hauteur de 2m et enveloppait avec le point géodésique, un massif de maçonnerie dans lequel se trouvaient trois piliers en pierre de taille destinés à supporter la pendule ainsi que la lunette méridienne.

Lyon vue de Fourvière
Le signal de Montceau depuis Lyon

Vue côté Est de Lyon depuis les toits de la basilique de Fourvière et détail de la table d’orientation où on peut remarquer le positionnement du signal de Montceau.

table orientation signal Montceau
A la fin de la construction de la basilique, en 1882, un observatoire scientifique fut installé dans la tour nord-ouest dans l’intention d’allier la science et la foi. De même, on aménagea un observatoire public dans la tour nord-est, dont le superbe escalier à vis conduit au lanternon, muni d’une très précise table d’orientation en pierre de lave. C’est sur cette table d’orientation que nous avons pu relever le vocable « Signal de Montceau »

Il était donc à la fin du 19 ème siècle encore d’usage de nommer ainsi la colline de Montceau…

plan observatoire Montceau
Image ci-dessus : Extrait du livre du colonel Brousseaud.

Le plan n’a pas été déplié avant la numérisation !
Si vous passez par Naples… merci de vous rendre à la bibliothèque !!!

 

Notre avis :

Les relevés à l’observatoire de Montceau ont été faits en 1829, ce qui laisse supposer qu’il n’y avait pas de tour de télégraphie à cette période…

En 1833, la matrice cadastrale répertorie la parcelle 542 du Dôme comme appartenant au gouvernement et note la présence d’un observatoire

matrice cadastre
 

Il est donc à peu près certain qu’il n’y a jamais eu de télégraphe de Chappe à Montceau.

Il y a par contre bien eu la construction d’une tour « observatoire » au Dôme, à l’emplacement de la borne géodésique. Cette tour a été construite en 1829 et a servi pendant quelques mois à des mesures scientifiques… Nous supposons qu’elle a rapidement été abandonnée et démantelée.

 

Les quelques pierres de tailles utilisées pour les piliers de l’observatoire ont très probablement été utilisées par quelques habitants du village.

Image ci-dessous :

Exemple de relevés réalisés à l’observatoire de Montceau…

s’il y a des géographes intéressés nous avons dans le livre du colonel Brousseaud l’ensemble des relevés !

relevés à l'observatoire Montceau